Développement
économique
transfrontalier
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Thèmes transversaux du développement économique transfrontalier
Les parallélismes transfrontaliers sont par conséquent très rares, ce
qui rend nécessaire les rencontres informelles, séminaires et autres
ateliers de travail.
Les collectivités territoriales peuvent chercher à développer des
outils de promotion commune du territoire transfrontalier
auprès
des investisseurs, entreprises et autres acteurs économiques privés
avec leurs homologues au-delà de la frontière, dans une logique de
concurrence territoriale accrue incitant les élus à positionner et spécialiser
leur territoire, lorsque ce partenariat est perçu comme valorisant et
générateur de gains des deux côtés de la frontière.
Une temporalité variable
entre le secteur public
et le monde économique
Très fragmentée, l’action publique en matière de développement
économique doit plus généralement faire face à une multitude
d’intérêts divers, qui rendent la recherche d’une cohérence d’ensemble
particulièrement complexe.
La confrontation entre la temporalité longue du secteur public
et celle plus courte des entreprises vient ajouter une difficulté
supplémentaire : elle réduit de manière sensible les passerelles entre
deux logiques qui, malgré la volonté d’une gouvernance économique
élargie et inclusive au plus près des besoins des entreprises et des
territoires, se confrontent plus qu’elles ne se complètent.
Il n’est donc pas étonnant de voir émerger des formes de coopération
économique transfrontalière sectorielle et thématique, plus conformes
aux logiques de compétitivité, afin de pleinement favoriser les
complémentarités, échanges de savoir-faire et autres externalités
positives entre entreprises, institutions de la connaissance et centres
d’expertise, dans une spécialité technique précise. C’est le modèle des
clusters, en cours de structuration dans les espaces transfrontaliers,
mais aussi des incubateurs et accélérateurs, perçus comme outils
de renforcement du tissu entrepreneurial transfrontalier. L’action
publique tend par conséquent à s’appuyer sur l’existant et à axer ses
interventions sur le soutien à la consolidation des grappes industrielles
et à l’intensification des interconnexions transfrontalières.
Faut-il pour autant en déduire que la coopération transfrontalière
en matière de développement économique ne peut se baser sur le
cadre institutionnel classique (gouvernance de type I) ?
La réponse est nuancée : si des formes spécifiques de gouvernance
peuvent se constituer autour du développement économique, pour plus
d’efficacité ou pour «évacuer» de la concertation générale un sujet où la
concurrence entre les deux versants peut parfois être ressentie comme
trop présente, il ne faut pas pour autant éliminer le cadre institutionnel
classique de la coopération transfrontalière.
Il importe de souligner la nature nécessairement composite d’une
gouvernance économique transfrontalière. Dans le contexte libéral régulé
qui est commun aux États européens (même aux plus libéraux d’entre
eux), les collectivités publiques interviennent activement dans le champ
du développement économique, et cette intervention, nécessairement
marquée par sa nature institutionnelle (type I), prend place dans un
cadre législatif et réglementaire national- puisque l’Union européenne
n’a pas de compétence en matière d’organisation interne des États.
Les acteurs publics d’un État donné, développent le plus souvent des
politiques publiques qui s’adressent d’abord aux entreprises localisées
sur leur sol, même si ces politiques sont fortement régulées par l’Union
européenne qui encourage l’ouverture des frontières (encadrement
des aides d’État etc…). Étant entendu que les politiques de soutien au
développement économique transfrontalier s’adressent surtout aux PME
(les grandes entreprises jouant naturellement à l’échelle transnationale),
il faut souligner qu’une action dans un cadre national peut constituer
une approche pragmatique et légitime, y compris dans une perspective
d’intégration transfrontalière et européenne.
Ì
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Ainsi, les acteurs rencontrés en Autriche
aident, dans un cadre
fédéral ou régional (Länder) les entreprises autrichiennes à se
positionner par rapport à leur espace économique, massivement
transfrontalier. A contrario, sur cette frontière, les programmes de
coopération transfrontalière (Interreg A) sont jugés trop complexes
pour que les entreprises y participent directement ; ils peuvent en
revanche agir pour créer un contexte favorable à la coopération,
en favorisant par exemple l’apprentissage précoce des langes
des pays voisins etc… La Commission européenne, plusieurs
États membres, dont la France, jugent que l’action publique,
notamment dans le cadre des programmes de la CTE, doit aller
plus loin et encourager les entreprises à faire financer des projets
dans ces programmes.
En fait, de multiples configurations sont possibles, selon les
réponses apportées aux questions suivantes :
- Laisse-t-on le marché jouer et réaliser l’intégration transfrontalière,
ou bien développe-t-on une intervention publique en matière de
développement économique ?
- Celle-ci est-elle développée dans un cadre national (même si l’horizon
est l’espace transfrontalier), ou bien est-elle construite dans un cadre
transfrontalier ?
De plus, ces configurations peuvent être différentes suivant les facettes
de l’intervention économique (aide aux entreprises, emploi,…), rendant
la gouvernance transfrontalière caractéristique du modèle multiniveaux
de Hooghe Marks
112
, où les approches fonctionnelles et institutionnelles
(gouvernance I et II) sont en fait plus complémentaires que concurrentes.
112
Liesbet HOOGHE et Gary MARKS,
Types of Multi-Level Governance
, Les Cahiers européens
de Sciences Po, n°03/2002
http://www.cee.sciences-po.fr/erpa/docs/wp_2002_3.pdf