Développement
économique
transfrontalier
87
Thèmes transversaux du développement économique transfrontalier
Les territoires voisins ne sont que très rarement consultés pour
l’adoption des stratégies régionales d’innovation et de spécialisation
intelligente et sont encore moins parties prenantes de leur système
de gouvernance stratégique et opérationnel.
Cette situation n’est pas uniquement observable côté français. Les
régions limitrophes ne procèdent pas davantage à cet exercice, même si
elles identifient elles-aussi un intérêt à développer des filières innovantes
et à promouvoir le transfert technologique et les clusters à l’échelle
transfrontalière. Un tel constat interroge nécessairement la cohérence
des démarches régionales d’innovation et laisse entrevoir un risque
d’absence de synergie entre leurs orientations et les axes stratégiques
préconisés dans le cadre du volet innovation des programmes INTERREG
sur ces territoires.
Des initiatives encourageantes sont néanmoins observables :
Ì
Ì
L’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée
(Midi-Pyrénées,
Languedoc-Roussillon, Catalogne et Baléares) a ainsi élaboré une
Stratégie eurorégionale de l’innovation
121
, lancée par la signature
en janvier 2013 d’un Partenariat eurorégional pour l’innovation et
la réalisation consécutive d’un diagnostic territorial des filières
stratégiques et des potentiels d’innovation des quatre régions
partenaires. L’identification des points communs existant entre
les quatre SRI-SI, en concertation avec les acteurs institutionnels
et économiques concernés, a permis de cibler les trois piliers de
développement conjoint de la Stratégie eurorégionale : l’e-santé,
l’eau et l’agroalimentaire, rassemblés sous la dénomination
thématique « Innovation pour une vie saine et un vieillissement
actif». Cette stratégie s’articule par conséquent en complémentarité
des SRI-SI des régions membres.
Ì
Ì
À noter que
l’Eurorégion Aquitaine-Euskadi
a initié une démarche
similaire dans le cadre de la rédaction de son Plan stratégique
2014-2020.
L’exemple de la Stratégie eurorégionale de l’innovation est donc
révélateur de la nature du processus de réflexion stratégique à
l’œuvre au sein des structures transfrontalières : il ne s’agit pas de
formuler des orientations ad hoc, mais de rechercher les points de
cohérence entre les stratégies des différentes entités partenaires
et de mettre en exergue les intérêts communs de l’espace
transfrontalier.
121
Voir la fiche projet page 121.
Cette méthodologie résulte de plusieurs contraintes. Tout d’abord,
l’élaboration d’une stratégie économique est génératrice de coûts
importants liés aux études requises : analyses SWOT et diagnostics
territoriaux, prospective, scénarios, etc. Une fois définie, sa mise
en œuvre et son suivi doivent également être assurés par une série
d’instances et d’outils : comités politiques et techniques, batteries
d’indicateurs, observation, communication, etc. La capitalisation de
l’existant apparaît nécessairement plus rapide et surtout plus souhaitable
dans le contexte actuel de réduction des budgets publics. Elle peut
par ailleurs être perçue comme un moyen de mieux coordonner les
structures concernées et donc de limiter les doublons et concurrences
éventuels. En conséquence, la mise en commun des divers cadres
stratégiques est vue comme une garantie de non superposition et de
non contradiction.
Cette approche est toutefois biaisée par la perception de l’intérêt général
(celui du territoire transfrontalier) comme étant la somme des intérêts
particuliers (ceux des entités partenaires). Or, les potentiels d’innovation
identifiés à l’échelle d’un territoire le sont d’après un angle de vue qui,
comme évoqué précédemment, n’est généralement qu’à 180° (sans
réelle prise en compte du système économique voisin), mais aussi selon
des outils et procédés mobilisant des données et cadres d’analyse non
comparables de part et d’autre de la frontière. Un changement d’échelle
territoriale dans un processus de définition d’orientations stratégiques
implique ainsi beaucoup plus qu’une simple agrégation et synthèse de
stratégies préexistantes: il exige un repositionnement de l’analyse pour
une véritable prise en considération à la fois économique et statistique
de l’écosystème transfrontalier.