Développement
économique
transfrontalier
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Thèmes transversaux du développement économique transfrontalier
L’observation transfrontalière au service
du développement économique
Ce dernier point relatif aux données constitue précisément l’un des
enjeux majeurs pour les territoires transfrontaliers. L’observation des
réalités économiques et les démarches de prospective de ces territoires
relèvent de logiques qui diffèrent d’un État à un autre, tant au niveau des
données quantitatives (systèmes statistiques, indicateurs, modes de
collecte, définitions, périodes de recensement, maillage géographique,
etc.) que des analyses qualitatives (modes de coopération, filières
économiques d’intérêt, systèmes politiques/administratifs/culturels,
etc.). Si Eurostat assure une harmonisation des principes statistiques à
l’échelle communautaire (processus, méthodes, normes, procédures,
contenus, calendriers, etc.), les données produites sont essentiellement
générales et élaborées à une maille NUTS 2 ou 3, ce qui ne permet
pas d’obtenir un degré de précision et d’exhaustivité nécessaire
à l’observation des dynamiques économiques transfrontalières.
Eurostat, en tant que direction générale de la Commission européenne,
s’apparente donc davantage à un dispositif au service de la définition
des politiques européennes qu’à un outil que les acteurs institutionnels
et économiques peuvent s’approprier au niveau régional ou local.
Des initiatives de recueil et traitement harmonisés des données à
l’échelle transfrontalière tendent à se multiplier depuis les années 1990:
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En Grande Région
avec le groupe de travail «Statistiques »
composé des cinq offices statistiques de l’espace grand-régional,
le Portail statistique de la Grande Région et la création d’un
système d’information géographique commun (SIG-GR).
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Dans le Rhin Supérieur
avec le système d’information
géographique SIGRS-GISOR.
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Dans l’Arc jurassien et le Grand Genève
avec deux
Observatoires statistiques transfrontaliers.
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Frontière franco-belge
avec l’Atlas transfrontalier.
La MOT suit l’évolution de ces démarches, qui restent pour
l’instant trop dispersées. Elle a pour sa part publié deux Atlas de
la coopération transfrontalière (2001, 2007), mené plusieurs études
successives en coopération étroite avec le CGET (Commissariat
général à l’égalité des territoires) et la FNAU (Fédération nationale des
agences d’urbanisme), sur l’observation territoriale transfrontalière
dans le but de la systématiser et coordonner les différentes
démarches sur l’ensemble des frontières françaises à la faveur
d’un Comité Stratégique de l’Observation statistique rassemblant
Commission Européenne, administrations de l’aménagement du
territoire et instituts statistiques français et des pays voisins.
Le problème de l’actualisation de ces outils (dans leurs formes
peu évolutives comme les atlas) et de la présence encore en retrait
des données économiques, souvent non ou peu diffusées en
raison de leur caractère commercial et concurrentiel, restreint de
manière notable les possibilités pour les acteurs institutionnels et
économiques de disposer de bases communes à la fois disponibles
et comparables, pertinentes et fiables, pour alimenter la construction
de cadres stratégiques transfrontaliers. Dépasser la mise en commun
de diverses stratégies régionales pour une meilleure cohérence
à l’échelle transfrontalière reste un objectif difficile à mettre en
œuvre, ce qui limite tout autant une consultation satisfaisante des
partenaires voisins dans les processus d’adoption et de suivi des
stratégies régionales. L’enjeu des financements et de la dotation des
moyens nécessaires au déclenchement, à l’animation et au suivi de
réflexions stratégiques communes semble donc apparaître comme
le principal facteur d’une pérennisation des démarches statistiques
et prospectives actuellement menées, ainsi que d’une généralisation
des approches stratégiques transfrontalières à l’avenir.
Vers des stratégies
transfrontalières de
développement territorial
L’organisation territoriale française (dont celle des politiques publiques
de développement économique), antérieure aux réformes actuelles
décrites dans le chapitre précédent sur la gouvernance, était une réponse
collective à la non-mobilité résidentielle et à la viscosité du modèle
productif. Certes, l’enjeu de l’intervention nationale reste de soutenir
l’efficacité du système métropolitain
122
(Paris et métropoles en réseau),
qui constitue le cœur du système productif national, tout en assurant la
cohésion de l’ensemble du territoire national par l’équité en faveur des
territoires les plus faibles. Mais l’équilibre ayant prévalu jusqu’à présent
(couplage national entre économie productive (notamment basée sur
les métropoles) et économie présentielle) n’est pas durable, du fait de
la concurrence internationale, du vieillissement de la population, et
doit être revisité.
L’enjeu n’est pas la substitution au modèle national d’un modèle pur de
développement local ou régional, mais la «décentralisation de l’agenda
des réformes structurelles ».
Dans un contexte où les réformes territoriales en cours en France
changent le mode d’accompagnement du développement économique
par les acteurs publics, nous proposons de prendre en compte la
dimension transfrontalière de façon plus stratégique.
Comme on l’a vu précédemment, le couple régions/métropoles prend
de l’ampleur dans l’intervention économique. Ces systèmes pourraient
être, pour certains, transfrontaliers, notamment ceux du Nord et de
l’Est de la France, que L. Davezies pointe comme grands perdants à
l’heure actuelle.
Le CGET, dans une note sur les nouvelles régions
123
, souligne que
l’élargissement des périmètres régionaux ne doit pas conduire à minorer
l’importance des relations interrégionales ; on peut ajouter que cela vaut
aussi pour les régions voisines par-delà la frontière. Par exemple, les
122
P. Veltz,
La grande transition
, Seuil, 2008
123
http://www.cget.gouv.fr/bref-1-nouvelles-regions-soutenir-developpement-equilibre-france