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Développement

économique

transfrontalier

10

Préambule

L’économie présentielle

Cette vision induit une façon différente de concevoir l’action

publique autour du développement économique d’un territoire,

plus uniquement concentrée sur le développement des firmes

présentes et l’accueil de nouvelles. L’analyse économique doit

prendre en compte sur le territoire l’articulation entre les différents

lieux de vie (habitation, production, consommation, loisirs), maillés

par un système de transports efficients, et intégrer le potentiel

que représente la captation de la richesse disponible au sein de

la population présente : développement d’activités de services

(commerces et loisirs, tourisme d’affaires et de loisirs). Il s’agit dès

lors de développer une stratégie d’accueil vis-à-vis des nouveaux

habitants, des pendulaires, des touristes, qui contribuent à

développer des activités de services

6

à la population créant, par

essence, des emplois non délocalisables.

Chaque territoire se caractérise par la présence d’un équilibre

spécifique entre économies productive et présentielle, résultant

de sa géographie et de son histoire (capital productif et social,

accessibilité, aménités, …). Certains territoires peuvent «bien vivre»

sans économie productive. Bien entendu, la viabilité de l’économie

d’un territoire dépend de l’extérieur : en économie ouverte, les biens

ou services produits doivent trouver des débouchés extérieurs ; et

les flux nourrissant l’économie présentielle doivent être alimentés par

des revenus produits ailleurs (travail des alternants ou des touristes,

sécurité sociale des chômeurs et des retraités, financement des

services publics).

Les territoires plus ou moins productifs ou présentiels sont solidaires

des uns des autres, cette solidarité étant à la fois l’effet du marché

lui-même et de politiques publiques qui redistribuent le revenu entre

territoires, de façon explicite (aménagement du territoire) ou implicite

(maillage des services publics, sécurité sociale).

La régulation de cette redistribution est produite essentiellement

dans le cadre des États ; elle fait aujourd’hui l’objet d’intenses débats

et réformes en France et dans les pays voisins. Non seulement se

pose la question de la cohésion sociale (niveau de prélèvements

obligatoires, arbitrage entre efficacité et égalité), mais aussi celle de

la cohésion territoriale (échelle optimale de l’action publique, égalité

des territoires, approche fondée sur la population ou sur le territoire,

selon que l’on encourage plus ou moins la mobilité résidentielle).

Dans un contexte où la capacité des États à assurer la cohésion

se trouve limitée par la crise des financements publics, L. Davezies

a récemment proposé la notion de « systèmes productivo-

résidentiels »

7

, grands territoires associant les deux sphères, ce qui

leur assure une viabilité plus grande. C’est le fait même que certains

de ces systèmes sont transfrontaliers, alors que les régulations

restent, à ce jour, nationales, qui fait des territoires transfrontaliers

des laboratoires de la cohésion territoriale européenne.

6

http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/sphere.htm

7

L. DAVEZIES et M. TALANDIER,

L’Emergence de systèmes productivo-résidentiels. Territoires

productifs – Territoires résidentiels: quelles interactions?

, CGET, La Documentation française,

2014.

Sphère présentielle et sphère

non-présentielle, le cas

particulier des territoires

transfrontaliers

Comme dans tout territoire, les deux dimensions (productive et

présentielle) sont présentes dans un territoire frontalier ou transfrontalier.

Mais parfois, la frontière fait office de séparation entre une zone plus

«productive», avec des industries produisant des biens et services qui

ne sont pas nécessairement destinés au territoire, et une zone plus

«présentielle», où les commerces, l’offre touristique, les services à la

population sont plus développés. Certains territoires frontaliers français

constituent ici un cas de figure emblématique du fait de l’intensité des

flux domicile-travail franchissant la frontière (vers le Luxembourg, les

métropoles de Bâle ou de Genève depuis les territoires environnants…).

La dichotomie entre territoire à dominante productive et territoire

à dominante présentielle ferait l’objet, au sein d’un État unique,

de régulations publiques variées (planification spatiale visant à

un rééquilibrage des flux, solidarité financière, réorganisation du

gouvernement local…). Mais de telles politiques publiques sont ici

hautement problématiques, du fait même qu’une frontière passe entre

territoire à dominante présentielle et territoire à dominante productive.

Une réflexion transfrontalière est alors importante pour ce type d’espace,

notamment sur le maillage des lieux de vie et l’offre de services. Cette

dimension d’aménagement du territoire n’est pas toujours partagée

en transfrontalier : c’est ici qu’intervient parfois une divergence dans

le rôle de l’intervention publique pour le développement économique.

Même si toutes les frontières ne présentent pas une telle polarisation,

la mobilité des personnes, des biens, des services, des capitaux, et

partant, l’intégration des territoires, ne joue désormais plus au sein de

chaque État, mais au sein de l’espace européen (Union européenne

et pays tiers comme la Suisse). L’hypothèse de ce travail est que

cette mobilité joue ou peut jouer de façon plus intense dans le cadre

d’espaces transfrontaliers, où elle est facteur potentiel de prospérité,

si elle est régulée de façon coordonnée entre États voisins.

100 km

SUISSE

VAUD

Jura

Ain

FRANCE

Nombrede travailleurs frontaliers

70649

27086

4 449

492

7431

4463

Genève

Haute-Savoie

Source : INSEE2012,BFS2015

Les flux domicile-travail sur le Grand Genève

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