Santé

Les enjeux en matière de santé publique

Plusieurs obstacles freinent néanmoins l’apparition des communautés transfrontalières de santé ou plus globalement le développement de la coopération. Les premiers sont d’ordre législatif et réglementaire et ne sont que partiellement réglés par les instruments existants. Ainsi, l’organisation des systèmes de santé diffère d’un pays à l’autre, comme le prix et les règles de remboursement ainsi que la sélection des soins et médicaments pris en charge. Ces différents éléments qui tiennent à des choix différents de protection sociale rendent complexe le rapprochement de deux territoires de santé. L'adoption de la directive européenne, relative aux soins transfrontaliers, a néanmoins permis de lever une partie de ces obstacles en fixant un cadre juridique commun en matière de remboursement.

Parmi les enjeux majeurs de la coopération figure également la mobilité accrue des patients et des professionnels de santé. Un flux important de patients peut déséquilibrer la capacité d’accueil des services de santé et nuire à la qualité des soins. A l’opposé, la migration des professionnels de santé peut entraîner une pénurie dans certaines régions et donc une diminution de l’accès aux soins. Les professionnels de santé étrangers peuvent ne pas satisfaire les attentes des patients, leur formation, notamment dans le cas des infirmières, étant différente selon les pays.  La pratique de la langue est également un enjeu pour la formation des professionnels.

La mise en concurrence entre prestataires de santé pose également question, notamment en transfrontalier. Introduire des mécanismes de financement des hôpitaux à l’activité peut obliger ces derniers à attirer plus de patients, y compris ceux soignés jusqu’à présent de l’autre côté de la frontière.

La réussite de la coopération transfrontalière en matière de santé dépend ainsi de la réalisation de plusieurs actions communes, afin de lever ces obstacles. Il s'agirait, d'une part, d'agir pour une plus grande complémentarité entre acteurs de santé et acteurs du transfrontalier. L’interaction de ces acteurs et de leurs compétences apparait, en effet, nécessaire pour envisager le développement d'actions concrètes et de stratégies communes en matière de santé au sein des territoires concernés. D'autre part, il faudrait mutualiser de manière plus étroite les équipements, afin de rendre l'offre de soins complète et opérationnelle sur l'ensemble de la frontière et de prendre en compte le contexte global de restriction des dépenses publiques en Europe. Des économies d'échelle pourraient également être envisagées, au bénéfice du patient et afin de garantir un meilleur accès aux soins, notamment au niveau local. Enfin, l'organisation de la planification sanitaire et la question des remboursements doivent faire l'objet d'une réflexion commune permanente.

UNE PRISE EN COMPTE AU NIVEAU EUROPéEN 

Allant dans le sens d’une prise en compte croissante des enjeux de la coopération transfrontalière en matière de santé, la Commission Européenne a publié des travaux portant sur les soins de santé transfrontaliers dans la période récente, et a pris des initiatives en faveur d’une plus grande coopération dans ce domaine. 

En effet, la Commission Européenne a adopté le 4 avril 2014 un agenda communautaire spécifique pour l’amélioration des systèmes de santé des Etats membres. 

En juin 2016, la Commission Européenne a présenté « The State of Health in the EU », un cycle de deux ans consacré à la santé dans les Etats membres afin d’enrichir la connaissance sur ce sujet à leur niveau, ainsi qu’au niveau plus global de l’Union Européenne. Ce cycle se compose de quatre étapes : la publication d’un Health at a Glance : Europe 2016 Report (novembre 2016), des profils spécifiques par pays qui soulignent les caractéristiques de chaque Etat membre (novembre 2017), une analyse de ces éléments les reliant avec l’agenda de l’UE, à la fin du cycle l’opportunité d’un échange volontaire de bonnes pratiques que peuvent demander les autorités responsable de la santé dans les Etats membres (depuis novembre 2017).

Le Comité des Régions a par ailleurs souligné récemment dans plusieurs interventions (novembre 2016, mai 2017) la nécessité de prendre en compte la dimension de la santé dans les différentes politiques de l’Union Européenne, ces politiques devant être vues comme des investissements dans le bien-être des populations et pas comme un poids budgétaire.

En septembre 2017 la Commission a publié une étude intitulée « La coopération transfrontalière dans le domaine de la santé : principes et pratiques ». Cette publication, à laquelle la MOT a contribué, vise à rendre compte de la coopération transfrontalière dans le domaine de la santé et de l'évolution du rôle de l'Europe en matière médico-sanitaire sur un plan global et en ciblant 7 expériences en Europe et en détaillant le cas franco-belge.
Dans ce domaine, la coopération transfrontalière inclut un vaste ensemble d'actions et de régulations qui touchent les patients, les professionnels de la santé mais aussi les systèmes de santé. L'objectif est de favoriser la mobilité des personnes de part et d'autre de la frontière en développant un accès à une offre "à la frontière" de soins de qualité par l'intermédiaire d'équipements et de services communs.

En mars 2018 la Commission Européenne a publié une autre étude ayant pour objectif d’offrir un panorama des initiatives existantes dans le domaine de la santé. A cette occasion 1167 projets ont été analysés, en vue d’établir une liste de 423 projets, la plupart ayant été trouvés grâce à la base Interreg en ligne (KEEP). L’étude comprend aussi un exercice de prévision qui détermine cinq scénarios d’évolution de la collaboration (Status quo ; Regional collaboration ; Empowered patients ; Strategic networks ; Member States’ payer network), basés sur le présupposé que le Traité de l’Union européenne ainsi que le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne restent inchangés. Ceux-ci débouchent sur des propositions en termes de politiques publiques. Un manuel destiné aux porteurs de projet transfrontalier est notamment développé afin de leur proposer des outils à chaque étape de la création du projet. Certains projets sont mis en exergue par des études de cas d’analyses de la rentabilité de la coopération. Concernant la France, il s’agit de l’Hôpital transfrontalier de Cerdagne, du projet TRISAN, de la coopération hospitalière dans les Ardennes Belges, du Partenariat Cardiologie Forbach-Völklingen, et du projet IZOM (Integratie Zorg Op Maat : tailored healthcare). Les conclusions de l’étude portent sur sept enseignements sur la coopération transfrontalière en matière de soins de santé (SST : soins de santé transfrontaliers):

  1. « Les initiatives de SST sont plus efficaces dans les régions disposant déjà de facilité de coopération en raison, par exemple, de traditions d’aide sociale similaires ou de liens historiques étroits.
  2. Un soutien devrait être accordé aux acteurs clés tels que les décideurs politiques régionaux ou les directeurs d'hôpitaux afin de réduire les coûts de transaction des SST. La boîte à outils développée dans cette étude peut s’avérer utile en ce sens.
  3. Il existe plusieurs scénarios pour les futurs SST, l'un des plus réalistes étant celui qui construit des réseaux régionaux orientés vers le traitement des besoins locaux et régionaux.
  4. Les réseaux régionaux sont susceptibles d’être associés à une option peu coûteuse, mais les inconvénients sont qu'ils sont susceptibles de rester limités et peuvent créer des inégalités en ne profitant pas de manière égale à toutes les régions.
  5. Les principales catégories d'initiatives de SST bénéficiant d’un financement de l'UE au cours des dix dernières années sont 1) le partage et la gestion des connaissances, et 2) le partage des traitements et diagnostics des patients.
  6. Les collaborations telles que les investissements élevés de capitaux et les soins d'urgence ont généralement des avantages économiques et sociaux plus visibles, mais nécessitent des conditions de collaboration plus formelles.
  7. Bien que les informations sur l'efficacité et la pérennité des initiatives actuelles de SST soient rares, »