Sécurité, police

Les effets du renforcement des contrôles aux frontières sur les territoires transfrontaliers 

Le rétablissement temporaire des contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen fin 2015 et début 2016 par huit Etats européens (France, Belgique, Danemark, Allemagne, Autriche, Slovénie, Suède et Norvège), pose la question des enjeux liés à la pratique de la frontière « ouverte » dans la vie quotidienne des territoires transfrontaliers (voir la carte des contrôles aux frontières de mars 2016). Ces huit pays ont fondé leur décision de réintroduction unilatérale des contrôles aux frontières intérieures sur la disposition du code frontières Schengen relative aux cas nécessitant une action immédiate (article 25), qui autorise la réintroduction de tels contrôles pour une période n’excédant pas deux mois. En janvier 2016, l’Autriche dressait une clôture de 3,7 kilomètres  sur sa frontière avec la Slovénie, une première dans dans l’espace Schengen.

L'UE compte 1,7 million de travailleurs qui, tous les jours, franchissent une frontière pour se rendre sur le lieu de travail. Dans sa communication de mars 2016, la Commission européenne estime que les contrôles aux frontières engendreraient des coûts se situant entre 1 300 000 000 d’euros et 5 200 000 000 d’euros en termes de perte de temps pour les travailleurs frontaliers et les autres voyageurs. 
En effet, les longs délais d'attente à la frontière dissuaderaient les travailleurs de chercher des opportunités sur le marché de l'emploi transfrontalier, réduisant ainsi le vivier de travailleurs potentiels. D’un point de vue économique, les contrôles aux frontières fonctionnent comme des impôts : ils provoquent des distorsions de l'activité, en augmentant les coûts de transaction et en réduisant les flux de biens et de services transfrontaliers. À moyen terme, cette situation aurait pour effet de diminuer l’efficacité économique de certaines régions frontalières. A titre d’exemple, la région transfrontalière de l’Øresund, qui constitue l’un des symboles de la coopération et de l’intégration transfrontalière, avec chaque jour 15 300 frontaliers traversent le détroit qui sépare le Danemark du sud de la Suède a également pâti du renforcement des contrôles frontières. Des trajets habituellement d’une trentaine de minutes peuvent atteindre plusieurs heures. A terme l'intégration régionale est en jeu : « les Suédois risquent d'hésiter à prendre un emploi au Danemark et les entreprises pourraient ne plus voir les avantages à s'installer dans la région » a indiqué Johan Weissman directeur de l’institut Øresund en janvier 20161.

Par ailleurs selon les estimations de la Commission, le secteur touristique serait lourdement affecté par le renforcement des contrôles aux frontières. La diminution du nombre de séjours touristiques au sein de l'espace Schengen, en raison de la lourdeur des contrôles, pourrait se traduire par une perte de 13 millions de nuitées touristiques dans l’UE, ce qui représente un coût total de 1 200 000 000 euros pour le secteur du tourisme.


  1. « Entre Copenhague et Malmö, les contrôles compliquent la vie », Ouest France, 21/01/2016


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